« C’est l’auteur qui choisit ».
Je suis quasiment certaine de vous l’avoir tous dit un jour, cette phrase.
« C’est l’auteur qui choisit ».
Je suis quasiment certaine de vous l’avoir tous dit un jour, cette phrase.
Souvent, quand vous me posez une question sur votre manuscrit, je vous réponds : « c’est l’auteur qui choisit ». Ou alors parfois je vous suggère des modifications, vous refusez et je vous réponds également : « c’est TOUJOURS l’auteur qui choisit ».
C’est évidemment un point de vue. Parfois, il aurait été judicieux pour certains auteurs de mieux écouter leur éditeur ou agent. Et parfois, heureusement qu’ils ne l’ont pas fait. Quand je dis cela, nous prenons le risque que mon point de vue soit inapproprié (ça ne devrait pas être l’auteur qui choisit) et que votre choix soit au détriment de votre manuscrit. Mais quelqu’un doit bien trancher entre plusieurs options sur un texte, et, dans ma façon de faire mon métier, j’ai opté pour l’auteur.
Le mois dernier, j’ai refusé de représenter une auteure avec à son actif trois romans ayant reçu un certain écho. Lorsque j’ai rencontré cette femme, je l’ai trouvée très sympathique. Un véritable bon contact. Elle me demande de la représenter, je lui réponds que je dois d’abord lire les trois romans précédents, pour voir si je me sens proche de ce qu’elle écrit. Catastrophe, je passe complètement à côté lors de mes lectures, pourtant je ne décide rien. Et puis un jour, alors que nous voyagions avec mon mari et nos enfants, mon mari me questionne, comme ça, l’air de rien : « C’est bien ce que tu lis ? ». Sans faire attention, je lui réponds : « compliqué, je me force à aller au bout ». Mon mari, très pragmatique, me rétorque sans y penser : « ah oui, impossible de représenter quelqu’un si tu te forces à aller au bout de ses livres ! ». Ça a été tout à coup l’évidence. J’ai donc appelé cette femme et lui ai fait part de ma décision (de ne pas la représenter, si ce n’était pas clair).
Toutefois, cette décision n’a rien de pertinent. D’autres confrères auraient dit « oui », en arguant du fait qu’ils se battent pour les auteurs en général, peu importe s’ils aiment ce qu’ils écrivent ou non (un peu comme un avocat qui défend tout le monde). Ce point de vue est intéressant je trouve, et il m’interpelle toujours quand quelqu’un l’évoque. D’autres encore m’auraient dit que l’argent ne tombe pas du ciel et qu’un auteur qui vend beaucoup est toujours une aubaine. Indéniablement, l’argent ne tombe pas du ciel et un auteur qui vend beaucoup est véritablement une aubaine quand on est agent. Malgré tout, ça m’ennuie de présenter des textes auquel je n’adhère pas, mais quelle importance, dans le fond, ce que je pense ?
Je veux dire par là que RIEN ne dit que j’ai pris la bonne décision.
Une amie m’a dit l’autre jour que c’était la bonne décision puisque c’était la mienne, mais c’est tout à fait le genre d’arguments du développement personnel que je déteste. Lorsqu’une décision n’est pas évidente à prendre, c’est qu’on prend forcément le risque qu’elle soit mauvaise, même si c’est la nôtre. Cette auteure va peut-être écrire un futur livre que j’adorerai et qui gagnera le Goncourt, qu’en sais-je ? Peut-être que je regretterai ma décision.
En revanche, je suis certaine que j’assumerai les conséquences de ma décision.
Je sais aussi que si je dois un jour changer de point de vue sur ma façon de faire mon métier, je le ferai. Peut-être qu’un jour je dirai : « si vous n’acceptez pas mes suggestions, je ne vous représenterai pas, car j’ai besoin d’être à l’aise à 100 % avec le texte ». Ça me semble fou rien que de l’écrire, mais qui sait ?
Je vous raconte tout cela pour vous renvoyer à votre pouvoir d’écrivain, car dans le fond, qu’on le veuille ou non, c’est à vous qu’appartient la décision finale sur un manuscrit, puisque c’est à vous qu’appartient le manuscrit.
Parfois, votre but est d’être édité, ou de continuer à l’être, alors vous acceptez toutes les modifications suggérées. Et souvent, ce n’est pas inutile, car vous êtes « dans la place », en faisant cela.
Parfois, votre but est de progresser dans votre écriture, avant toute chose. Alors vous réfléchissez mille fois à votre texte, et vous passez des heures devant les modifications suggérées en vous demandant si elles ont un véritable intérêt qualitatif.
Parfois, votre but est de produire une œuvre avant tout à votre image, donc vous refusez tout ce qui ne semble pas « vous ressembler ».
Enfin, parfois tout se mélange et vous ne savez plus quoi choisir.
Une chose est certaine : une bonne décision ne se mesure qu’a posteriori, des années plus tard.
En revanche, ce qu’il est important de préserver, c’est la flamme qui vous anime. Si être édité à compte d’éditeur vous allume le feu, alors envisagez des concessions sur le texte. Inversement si vous avez envie d’être au plus proche, dans vos écrits, de votre sensibilité ou de votre fantaisie.
Tout ça n’empêchera pas les bonnes grosses chutes, mais ça les rendra bien plus supportables !
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