Ça réfléchit ça réfléchit ça réfléchit de tous les côtés
La semaine dernière, j'ai envoyé une lettre détaillée à Rachida Dati et à ses conseillers. Voici les principaux points soulevés :
1. Surproduction et précarité des auteurs :
Le nombre de titres publiés a triplé, mais les ventes par auteur ont diminué. Plus de 50 % des auteurs gagnent moins que le SMIC annuel. La surproduction, loin d’améliorer la situation financière des auteurs, accentue leur précarité, notamment chez les jeunes auteurs qui peinent à trouver leur place dans un marché saturé.
2. Difficultés des librairies :
Les librairies sont submergées par les nouveautés incessantes, empêchant une mise en valeur adéquate des œuvres. La rotation rapide des titres et les retours fréquents épuisent les stocks. En conséquence, plus de 120 librairies ont fermé en 2022, entraînant une perte de diversité culturelle dans nos régions.
3. Gâchis écologique et économique :
Environ 20 à 25 % des livres produits finissent au pilon sans jamais avoir été lus. Bien que recyclés, ces livres représentent une absurdité économique et environnementale : produire pour détruire. Ce processus entraîne un gaspillage de ressources naturelles et une perte financière pour les éditeurs, les distributeurs et, en fin de compte, les consommateurs.
4. Instabilité des éditeurs :
Les éditeurs salariés vivent une instabilité professionnelle croissante. Les restructurations fréquentes et les jeux de chaises musicales entre maisons d’édition traduisent un secteur en crise, où la pérennité de l’emploi devient un luxe rare. Cette instabilité affecte directement la qualité des relations entre auteurs et éditeurs, indispensable à la maturation des projets littéraires.
Face à cette situation critique, plusieurs solutions sont proposées pour amorcer une transformation durable :
Réforme des droits d’auteur :
Les auteurs devraient percevoir des droits sur les exemplaires non vendus. Un suivi de l’ISBN pourrait permettre de créer des librairies spécialisées dans les livres d’occasion, avec des droits d’auteur et des redevances éditeurs inclus, assurant ainsi une rémunération équitable.
Économie circulaire des livres :
Encourager les librairies à proposer des abonnements intégrant des livres neufs et d’occasion, ou des programmes de leasing de bibliothèques. Cela favoriserait une circulation constante des livres, réduisant le besoin de pilonner des exemplaires invendus.
Concertation collective :
Organiser une convention citoyenne pour le livre d’occasion, rassemblant éditeurs, auteurs, libraires et lecteurs pour élaborer des solutions durables. Cette concertation pourrait s'inspirer des succès d'autres secteurs, comme la mode ou l'électronique, où l'économie circulaire a prouvé son efficacité.
Cohabitation du neuf et de l’occasion :
Faire coexister le neuf et l'occasion dans les espaces de vente, en garantissant une juste rémunération des acteurs de la chaîne du livre via les ISBN. Cela permettrait de préserver la production de livres neufs tout en dynamisant le marché de l'occasion.
Si cette lettre s’avère inutile en raison du changement de gouvernement, il est intéressant de noter que les problématiques évoquées seront également au cœur des discussions des Rencontres Nationales des Libraires (RNL) qui auront lieu la semaine prochaine à Strasbourg.
Il est frappant de constater que les solutions envisagées convergent vers les mêmes axes, montrant la nécessité de repenser notre modèle économique pour réduire le gaspillage, offrir des sources de revenus supplémentaires aux auteurs, éditeurs et libraires, et répondre aux attentes croissantes des consommateurs pour des pratiques plus durables.
Je trouve cela super que des corps de métier réfléchissent à ces questions et je serais vraiment heureuse que nous parvenions à réinventer une chaîne de valeur du livre qui soit au service de la culture. Je serais ravie de pouvoir discuter avec des confrères, des éditeurs et des auteurs de ces sujets, mais force est de constater que je n’ai pas la force de frappe nécessaire pour engendrer la création de groupes de travail interprofessionnels. Si vous êtes partants pour en créer un ex nihilo, signalez-vous 😊
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